Versailles #1 La modernité de Louis XIV

12 mai 2012

Il faut probablement atteindre la cinquantaine pour (re) découvrir les classiques de la littérature. C’est probablement la même chose pour Versailles.
Surpris de notre audace, nous avions décidé, Philippe et moi, de profiter de cette belle après-midi ensoleillée pour abandonner les ballades d’architecture contemporaine et prendre le train pour la cité royale.
Passées les hordes de touristes, les avenues disproportionnés, la montée laborieuse vers l’immense château, nous contournons l’aile des salons et débouchons sur l’esplanade.
Comme si nous traversions l’écran et rentrions dans un film, le parc s’offre à nous.
Il faut avoir laissé passer de longues années sans y revenir pour être aussi impressionné par l’effet cinématographique créé par l’apparition du grand paysage qui s’étend littéralement à vos pieds. Impossible ne pas s’imaginer un instant en roi soleil !
La suite de la promenade n’est qu’une suite de découvertes dans un itinéraire ponctué de surprises, de perspectives, de contrastes entre moments taiseux et feux d’artifice.
On est surpris par la dimension contemporaine du projet, proche du land art, jouant sans crainte du contraste entre nature domestiquée et nature « sauvage » (voir notamment l’effet incroyable des arbres taillés en premier plan qui laisse voir les ports libres de la forêt, au-dessus et en arrière-plan)
Un tel projet serait décrié aujourd’hui par les tenants du développement durable pour son caractère mégalomaniaque et cette volonté d’intervenir puissamment sur le site.
Pourtant, quelle leçon qui renvoie dos à dos les conservateurs du paysage et ceux qui le détruisent par des aménagements sans pensée forte.
Louis XIV, lui, ne fait pas dans les faux semblants. Il n’a pas peur du scandale. Il ne triche pas et montre bien que le paysage a toujours été une artialisation de la nature (Roger, 1997).
Il démontre que les projets « interventionnistes » peuvent avoir plus de force que les projets protectionnistes et que tout est permis sous réserve que la densité conceptuelle du projet soit à la hauteur de son intervention.
Il incite à refuser d’opposer sub urbanisme et sur urbanisme. Parfois il faut révéler le site, d’autre fois épaissir l’intrigue ! (Marot, 2010)
Un plaidoyer pour le grand projet de paysage qu’il serait peut-être intéressant d’analyser à un moment où les lotissements s’étendent tranquillement, sans bruit, sans scandale, sur des territoires de plus en plus vastes, et les transforme en une sorte de continuum sans saveur et sans humanité.
Puis nous revenons à la réalité et abandonnons notre déguisement d’un instant. Nous ne sommes pas des Roi Soleil …

> Voir à l’inverse Versailles, les simagrées de Marie-Antoinette