Approche

L’architecture doit cesser d’être pensée comme une succession d’objets « autistes » où chaque architecte tente de faire des prouesses qui seront bientôt démodées.

L’enjeu, en matière de loge­ments, n’est pas de créer en per­ma­nence une archi­tec­ture de diver­tis­se­ment mais de retrou­ver une capa­ci­té des bâti­ments à dia­lo­guer ensemble.
Nous sommes convain­cus de la néces­si­té de reve­nir à des fon­da­men­taux à com­men­cer par la qua­li­té des loge­ments et la qua­li­té de la construc­tion. La crise du Covid 19 nous rap­pelle l’importance d’offrir des loge­ments confor­tables où la chambre n’est pas plus grande que le salon, où l’on peut trou­ver un petit coin pour tra­vailler, où une double orien­ta­tion per­met d’aérer le loge­ment et de cap­ter la lumière.
Nous nous inquié­tons aujourd’hui du retour de « méga­struc­tures », ces archi­tec­tures de macro-lots où un seul archi­tecte conçoit plus d’une cen­taine de loge­ments d’un seul tenant. Cela pro­duit des façades aus­si longues que mono­tones et une ville qui perd de sa diver­si­té et de sa muta­bi­li­té. Pour être rési­lient, les bâti­ments doivent s’inscrire dans une trame par­cel­laire assez dense, qui per­mette des évo­lu­tions pro­gres­sives du tis­su urbain.
L’architecture doit pen­ser son rap­port au dehors. Elle doit soi­gner son lien avec la rue, créer des rez-de chaus­sée aimables, encou­ra­ger les rela­tions du trot­toir aux loge­ments en pas­sant par des cir­cu­la­tions et des par­ties com­munes spa­cieuses et éclai­rées natu­rel­le­ment, pro­pices à saluer son voi­sin.

L’urbanisme doit se garder des postures trop idéologiques.

Il faut sor­tir des débats sté­riles sur une indis­pen­sable den­si­té. Les études récentes ont mon­tré que la den­si­té n’était ni sou­hai­tée par les habi­tants ni tou­jours ver­tueuse en matière d’environnement notam­ment en termes de dépla­ce­ments.
Il faut à notre sens s’appuyer sur la richesse de l’armature urbaine his­to­rique pour encou­ra­ger un déve­lop­pe­ment plus équi­li­bré de nos ter­ri­toires. L’enjeu est à avant tout de lut­ter contre les ten­dances à l’extrême « frag­men­ta­tion » de l’habitat et non de pour­suivre une hyper concen­tra­tion sur les métro­poles. Une voie moyenne existe qui vise à s’appuyer sur l’armature des bourgs et des villes moyennes pour déve­lop­per une ville cohé­rente sous réserve qu’une gou­ver­nance à la grande échelle se mette en mou­ve­ment.
Cette notion de ville cohé­rente implique de pen­ser conco­mi­tam­ment les ques­tions de trans­ports et de dépla­ce­ments. On ne peut plus créer de nou­velles infra­struc­tures de trans­ports sans avoir véri­fié que les effets atten­dus jus­ti­fiaient la lour­deur des inves­tis­se­ments et avant d’avoir encou­ra­ger l’optimisation des infra­struc­tures exis­tantes. Il y a lieu aus­si de diver­si­fier les réponses en fonc­tion de chaque ter­ri­toire en pri­vi­lé­giant les solu­tions les moins coû­teuses, à com­men­cer par la pro­mo­tion et le déve­lop­pe­ment des modes doux sachant que plus de 30% de la popu­la­tion pra­tique ses acti­vi­tés à moins de 9 kilo­mètres. Il s’agit aus­si de cher­cher à réduire les motifs de dépla­ce­ments avant de pro­po­ser d’augmenter les moyens de dépla­ce­ments et leur rapi­di­té.
Il faut ces­ser de lais­ser des construc­tions indi­vi­duelles se dis­sé­mi­ner aux confins de nos contrées voire ten­ter de désur­ba­ni­ser les ter­ri­toires les plus mitées et les zones éco­no­miques qui sont sou­vent pour beau­coup dans la réduc­tion de la bio­di­ver­si­té. Mais ensuite, il faut faire avec les villes et les vil­lages exis­tants afin de pro­po­ser par­tout une offre diver­si­fiée de loge­ments per­met­tant de répondre aux aspi­ra­tions du plus grand nombre et de rap­pro­cher habi­tat et emploi.
Cela implique de tra­vailler en même temps la réha­bi­li­ta­tion de l’habitat dans les cœurs de ville, une inten­si­fi­ca­tion des tis­sus urbain rési­den­tiel par la pro­mo­tion des modes courts et la réa­li­sa­tion d’opérations com­plé­men­taire ciblées. Nous sommes convain­cus de l’intérêt de défendre un urba­nisme « inter­mé­diaire », ins­crit dans une arma­ture ser­rée d’espaces publics, qui mêle les typo­lo­gies, de la mai­son de ville au petit col­lec­tif à taille humaine.

Le paysage est, selon nous, le biais pour réintroduire la notion du temps et de la géographie.

Ce sont les pay­sages qui depuis les années 70 ont lar­ge­ment contri­bué à nous ame­ner à pen­ser à l’échelle du grand ter­ri­toire. Aujourd’hui, nous sommes convain­cus que c’est à cette échelle qu’il faut pen­ser l’aménagement pour répondre à la dis­per­sion de la ville. L’espace public de demain devra être réflé­chi comme une arma­ture pay­sa­gère à la grande dimen­sion inté­grant la notion de sys­tème de parc si chère à Olm­stead ou Fores­tier. Ce sera l’occasion de bâtir des pro­jets puis­sants et éco­lo­giques à la fois qui redon­ne­ront de la per­son­na­li­té aux éten­dues rési­den­tielles, les relie­ront à leur géo­gra­phie.
A ce titre, la ques­tion des lisières doit être pen­sé comme un espace qui soit sup­port de cir­cu­la­tions douces, mise en scène du pay­sage et espace de tran­si­tion avec les espaces agri­coles.
Les pay­sa­gistes nous ont aus­si appris l’importance du temps. Avec eux nous refu­sons l’idée de la page blanche per­pé­tuelle. Nous nous ins­cri­vons dans le temps long. Des concep­teurs sont venus avant nous, d’autres pren­dront le relai. Nous nous ins­cri­vons dans la volon­té de faire évo­luer la ville pro­gres­si­ve­ment par un pro­ces­sus vivant d’évolution.

… et au bout, l’espace public

Ce qui réunit tout, c’est le vide qui fait le lien entre les choses. C’est pour­quoi, dans tous nos pro­jets, c’est la ques­tion de l’espace public qui reste notre fil direc­teur.
L’enjeu cen­tral reste d’arriver à construire ensemble un récit col­lec­tif pour construire un monde plus accueillant pour tous. Cela signi­fie que nous lut­tions contre les ten­dances sépa­ra­tistes, les regrou­pe­ments affi­ni­taires voire com­mu­nau­taires.
La forme de la ville s’est beau­coup trans­for­mée. Ses limites se sont dis­ten­dues. Il nous importe de réin­ven­ter de nou­velles figures de l’espace public. Entre les lieux de l’intermodalité, le tis­su des rues ordi­naires, les espaces com­mer­ciaux ou les grand parcs, l’espace public de demain est obli­ga­toi­re­ment mul­tiple et divers. Mais il importe qu’il reste un lieu acces­sible à tous afin que cha­cun reste en copré­sence de l’autre.
L’enjeu pre­mier est de créer des lieux qui ne soient pas appro­priés par quelques-uns. Réin­ven­ter ensemble, en per­ma­nence, les règles de civi­li­té pour coha­bi­ter paci­fi­que­ment est un bel objec­tif poli­tique. Il importe aus­si que nous gar­dions à l’esprit, à la vue des autres, qu’il est de notre res­pon­sa­bi­li­té de construire ensemble un des­tin com­mun.