Blanquefort #2 Le goût des murs
Les urbanistes français émus par les évocations de Knut Hamsun d’une nature sauvage ouverte à tous, ont-ils compris que les français, eux, paysans dans l’âme, n’avaient pas oublié le goût des murs ?
Les futurs propriétaires, à la vue de l’architecte qui tente de leur interdire de s’enclore, se rappellent avec un relent de lutte des classes : 1396, Charles VI qui, pour permettre aux nobles de chassaient où bon leur semblaient, leur interdisait de moissonner avant la St Jean, d’enlever les chardons et … d’enclore les terres par des murs.
Stendhal, les avertissaient « Ne vous attendez point à trouver en France ces jardins pittoresques qui entourent les villes manufacturières de l’Allemagne, Leipzig, Francfort, Nüremberg … etc. […] plus on bâtit de murs, plus on hérisse sa propriété de pierres rangées les unes au-dessus des autres, plus on acquiert de droits aux respects de des voisins. »
A Saintes, dans un projet urbain qui reste réellement une grande réussite, les architectes (agence BNR) se sont glissés entre les murs et y ont joué avec un jeu savant (voir « Saintes, entre les murs »)
On aimerait bien s’inspirer de cet aménagement pour le décliner dans les lotissements plus récents mais ce serait oublier qu’il y a des murs vivants et des murs sans qualité.
Remplacer ces murs de pierres par du parpaing enduit, dissocier le mur et le bâti, changer le rapport d’échelle entre le mur et la parcelle et vous avez tout perdu.
On chercherait en vain à singer les formes anciennes des modes de production qui n’ont plus rien à voir.
Alors il ne reste bien souvent qu’à tenter la clôture légère comme ici à Blanquefort (agence Chemetoff) que chacun s’empressera de compléter à sa guise par ce qu’il aura trouvé à Leroy Merlin.
Il est bien difficile de savoir quoi faire de cette leçon de mur.