Bellinzona L’art de la tondeuse

18 septembre 2020

Rien ne bougeait au front des palais. J’ai marché et je suis arrivé sur la Piazza del Sol.  Soudain, la masse du château m’est apparue, ses murailles verticales s’appuyant sur leur socle de rochers, dégagés de leur végétation. La restauration de la forteresse de Bellinzona est un mélange de brutalisme et de finesse. La première intervention met le château en lien avec la ville. On pénètre la montagne par cette faille vertigineuse, lugubre, juste guidé par la lumière qui vient de si loin. Ce puits intérieur où se glissent ascenseur et escaliers nous happe dans la montagne avant de retrouver le ciel. Une traversée géologique qui est aussi une traversée dans le temps. Confrontation entre la pierre et le béton brut. Une fois en haut, que de délicatesse d’intervention. Ici une grille qui se clipse dans la pierre, une menuiserie qui s’efface, une lisse qui nous guide. On sent le travail de tri qui nous laisse aujourd’hui libres d’arpenter le dédale de venelles et d’escaliers. Il faut atteindre le sommet de la tour pour embrasser cette immense forme organique du plan originel qui suit les courbes de la montagne. En contrebas, le carré de la place urbaine semble s’y emboîter. De là-haut, on domine aussi la cour d’entrée, la blancheur des façades enduites, le fond vert dense des forêts, le petit carré empierré avec ses parasols et puis, au droit de la muraille d’entrée, cette « coquille », forme concave aux pavés serrés, qui nous fait glisser vers le passage. Mais dans toute cette intervention qu’est ce qui retient notre attention ? : les traces de la tondeuse qui épousent parfaitement les courbes de ce parvis et s’éloignent en cercles concentriques avant de mourir contre le bâti. Les traces de la tondeuse, comme plus loin les lignes des vignes font vibrer la surface du sol. Aurelio Galfetti est mort depuis peu. Mais est-ce que les jardiniers continuent à tondre avec attention l’herbe du château ?