Vallée de la Ruhr La ville sauvée par ses usines

8 janvier 2014

La vallée de la Ruhr est une conurbation aussi vaste que désespérante. On a beau être en Allemagne, il ne fait pas bon s’y aventurer à vélo.
Seul le GPS et des bons chevaux dans le moteur vous permettent de survivre dans ce sac de nœud autoroutier qui irrigue cette immense « entre-deux ville » (Sieverts, 2012). Quant aux « centres urbains » qui se dispersent dans la maille, ils rivalisent de sinistrose et nous rappellent le tapis de bombes sur lequel ils furent reconstruits.
Mais c’était sans compter sur un atout étonnant : les usines. Ces monstres de gigantisme qui furent le symbole de la désespérance lorsqu’elles fermèrent leurs portes sont aujourd’hui la chance de la région.
Partout, des espaces plus incroyables les uns que les autres qui vous transportent dans des univers que même Enki Bilal n’aurait imaginé.
Pour n’en citer qu’un, je me trouve à Duisbourg, la nuit tombante, désespérant de trouver une chambre.
Je fais quelques pas derrière l’auberge de jeunesse et, attiré par des bruits étranges, je rencontre une vie étonnante au travers des anciennes usines. Ici, un orchestre répète dans un immense entrepôt, là des jeunes escaladent des murs en bétons cyclopéens, des amoureux se bécotent sous un aqueduc. Au milieu, des lapins qui gambadent dans l’herbe (le parc du Duisbourg-Nord réalisé par Peter Latz, paysagiste). Au cœur du complexe industriel, une lumière m’attire, de la musique résonne. Dans le halo de lumière, une immense foule grouille sur le sol en sable autour d’un grand bar central attendant le début d’un film en plein air dans une ambiance géniale.
De retour dans la banlieue Toulousaine, dans les plaines désespérément plates de la Garonne, je me dis que beaucoup de sites « faibles » rêveraient d’avoir de vieilles usines pour faire émerger, un jour, un peu de poésie au milieu de ce junkspace (Koolhaas, 2010) qui est désormais notre défi d’aujourd’hui…

1 . le parc du Duisbourg-Nord réalisé par Peter Latz, paysagiste